En août 2011, lors d’une balade à vélo avec mon épouse, je découvrais « Si loin, si proche » la 5ème édition des Promenades photographiques en Condroz. J’aime cette douce région condrusienne. De plus, c’est aussi la terre d’origine de ma femme. Tout un symbole, cet attachement.
Tous les deux ans, nous disons donc « OUI » à cette biennale photographique.
Dans le programme de la 7éme édition intitulée « Au plaisir », je repère une proposition d’atelier résidentiel animé par le photographe québecois Bertrand Carrière (Canada).
Quelques extraits :
« Photographier le plaisir, photographier par plaisir, plaisir de photographier. …
En une semaine, l’atelier vous offre l’occasion de vous plonger au cœur d’un projet personnel et d’explorer la notion du plaisir. …
Le thème du plaisir pourra être vu par association : contemplation, hédonisme, grâce, contentement, fête, joie, volupté, désirs et satisfactions. Ou encore par réaction : privation, austérité, ascèse, mécontentement, dégoût, ennui
…
Il est recommandé de faire un minimum de recherche afin d’arriver avec quelques idées de projets à réaliser.
Il serait intéressant que chaque participant apporte un livre de photographies qui l’a marqué et une série de ses images. »
Le thème présenté par cet atelier me tente fortement.
J’envoie au Centre Culturel de Marchin mon formulaire inscription accompagnée d’une lettre de motivation.
Pierre Mossoux me confirme ma participation.
Commence alors progressivement un processus d’intériorité et d’écriture sur l’exploration de mes plaisirs.
Je note mes priorités :
– Plaisir de respirer
. inspirer … expirer
. prendre conscience de mon souffle
– Plaisir d’être en contact avec la nature
. « shinrin-yoku » : immersion dans la nature
. vitamine V comme vert (référence Christophe André)
– Plaisir du silence
. le silence a le goût du bonheur
. être seul, errance solitaire
. recherche de calme
– Plaisir du mouvement
. marcher lentement, pédaler, nager
– Plaisir d’observer
. de regarder
. d’écouter avec les yeux (handicap : malentendant)
– Plaisir de rêver
. d’être ailleurs
. de s’évader
. de découvrir (voyages)
– Plaisir de lire
– Plaisir de toucher
– Plaisir de rire
Bertrand Carrière demande aux participants d’apporter un livre de photographie qui nous influence et une série de nos images.
Pour amorcer les discussions et les échanges en début de stage, je montre « D’après nature » de Jean Gaumy. C’est un livre qui m’inspire, avec lequel je me sens en accord.
En septembre 2014, j’ai eu un coup de foudre pour son exposition « La tentation du paysage » à l’abbaye de Jumièges (Normandie, France)
Je présente aussi la série intitulée « Paysages à construire » réalisée en juillet 2012 à Libramont (AKDT).
Extraits de mon carnet de stage :
« Goesnes. Samedi 25 juillet après-midi.
Qu’est-ce que je souhaite faire ici et maintenant ?
Marcher lentement dans la nature, le paysage, pour me mettre dans un état mental, une atmosphère propice à l’intériorité, à la solitude. »
Un mois après le stage, en relisant cette dernière phrase de mon carnet, je constate que j’étais aussi sous l’emprise d’un autre livre qui traîne dans mon salon « Gao Xingjian. Le goût de l’encre ».
Michel Draguet décrit très bien cet état recherché.
« Le chemin vers Lingshan passe par l’intérieur. Pour atteindre cet état d’attente diffuse propre à la contemplation, il faudra d’abord s’extraire du réel. […] La marche génère sa propre vérité. […] Par la marche, l’homme rendu à la nature s’enfonce en lui-même. […] Reclus dans sa solitude, le marcheur renoue avec la réalité nue. […] Abîmé dans sa marche, l’homme se métamorphose. […] Par ce biais, la marche détermine ce que deviendra, à la surface du papier, le mouvement de la main: un accès progressif à la conscience dans l’infini des possibles. »
Pendant tout le stage résidentiel de photographie en Condroz, j’ai tenté d’appliquer « cette recherche de Lingshan »
La marche fixe la méthode : errance du regard, construction de soi dans l’évidence d’un pied devant l’autre.
Partir seul, écrire ou photographier fait partie du même processus, celui de regarder en soi, de s’écouter. « Ne plus penser avec ma tête mais avec mon corps » transforme la marche en principe méditatif
D’une certaine manière, la marche détermine ce qu’ adviendra l’image photographique. L’image reflète un état d’esprit. Tout paysage devient alors portrait intérieur.
« Photographiant le monde, on y projette toujours une image de soi et dans une certaine mesure on le transforme en image mentale, psychique, en représentation subjective. […]
Condamné à être soi-même, bien sûr il arrive qu’on emmène avec soi ses sentiers, ses ornières, ses fantômes et ses manies. […] » Emmanuel d’Autreppe.
Extrait de « BRUXELLES à l’infini. Photographes en Résidence. Collection CONTRETYPE. 2014.
Dans la mesure du possible, j’ai essayé aussi de tenir compte de cette citation de Jean Gaumy : » Ne photographier que lorsque cela brûle. Ne pas bouger, se refuser tant qu’il n’y a aucune évidence, aucune nécessité. »
La série « Rota Romantica » est née lors :
– d’un travail de sélection journalier (5 jours), effectué en plusieurs étapes ;
– des tirages de lecture (format 10 x 15);
– de mon propre ressenti;
– des avis et des interventions de Bertrand Carrière, photographe et formateur.
Le choix du titre ne me contente pas : cela montre bien la limite des mots.
« Silence therapy » est plus juste, en résonance avec mon expérience du moment
Je rejoins totalement Justine Montagner qui dans un email m’écrit : « Je planais toujours sur la magnifique énergie de cette semaine de résidence. … Quelle belle semaine nous avons partagé. »
Merci à Bertrand Carrière.
Merci aux participantes (s) : Bénédicte Thomas, Farid Djemmal, Justine Montagner, Laurence Biron, Laurent Graindorge et Liliane Mazy.
Merci à Geneviève Culot et à son mari Fernand pour leur accueil.
Merci aux organisateurs des 7èmes Promenades photographiques en Condroz.
Longue vie à la biennale de photographie en Condroz et au Centre Culturel de Marchin !
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M a n u – q u i – a i m e – f a i r e – d u r e r – l e – p l a i s i r